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Journal d'une fille perdue

Maman si tu voyais ma vie ...

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Mercredi (26/05/04)

Trash 1/2

   J'écris, mais je ne suis même pas sûre d'être là. Même pas sûre d'être consciente de mon état. Soirée étudiante dans un loft de 200 m2 avant hier soir. Comme c'est triste : ils ont tous la même gueule ces minets, et se croient géniaux parce qu'ils ont un diplôme. Je buvais pour oublier que j'avais quitté la salle d'examen du bac en pleurant parce qu'un mec m'avait quasiment violée quelques jours avant. Vieilles histoires. Fantômes qui me rattrapent par le bout de la langue. Je bois, donc. Un mec m'accroche tout à coup, noir et très grand :
-
Bonsoir. Vous êtes seule ?
Je note le vouvoiement, ça me surprend toujours au début mais c'est vrai que c'est pas non plus marquée sur ma robe...
- Oui... mais je ne suis pas gratuite. Je souris pour faire passer le message.
-
Je sais, c'est Paul qui m'a balancé l'info.
"L'info", c'est moi. Paul, c'est un connard. Je le soupçonne de plus en plus de s'être arrangé avec M., mon "gérant", et de toucher une prime de merde. Ca l'excite, il se prend pour un mac et donne "l'info" sans même sélectionner : le noir est "doré" comme on dit, c'est-à-dire que c'est pas un client facile. Ces mecs ont énormément de mal à trouver une fille adaptée à leur bite alors ils payent. Moi je fais pas ça, déjà vu Ana revenir de l'hosto après un plan doré. Une histoire dingue. Je suis mal à l'aise mais là c'est trop tard. Je me promet de défoncer Paul dès que je pourrai, voire d'en toucher un mot à M. En attendant c'est moi qui vais devoir y passer. On sort de l'appart. Ascensceur, comme beaucoup il n'attend pas et commence à me foutre des doigts, à sec bien-sûr. Sinon c'est trop tendre.
Une voiture est garée en bas. Je me dis qu'elle ne roulera jamais mais lui n'a pas l'air de douter. Je monte, il démarre et déboîte comme un barge en éraflant au passage la caisse de devant, sûrement celle d'un étudiant. Tout à coup, j'entends une voix derrière moi. Deuxième mec. Même gabarit. 

Ecrit par Empfindlichkeit, à 21:54 dans la rubrique "Errances".

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Dimanche (23/05/04)

Déposition


  Matinée chez les flics. Une de plus. Ma mère "en pleurs" au téléphone, les gradés qui tentent de la calmer. Elle n'enverra même pas d'argent. Quelle comédienne. 

Pour ceux que ça intéresse, une déposition ça donne à peu près ça :
- "Nom, Age, situation de famille, Adresse" (le molosse abruti gueule un peu plus à chaque syllabe. Dans mon état, c'est un vrai supplice mais je connaîs heureusement les réponses par coeur. Elles sortent de ma bouche comme les hommes y entrent, c'est devenu automatique)
- " Alexandra B., 21 ans, célibataire
  sans emploi
  logée chez Mme **** rue des Martyrs 75018 Paris"

  Le clampin automate tape sur son clavier comme si c'était sa femme : la délicatesse c'est son boulot et ça se voit. La psychologie aussi : "Mme C. a déclaré vous voir devant chez elle régulièrement et à des heures indues. Vous savez que la prostitution est un délit ?" Toujours la même tchatche. Toujours les mêmes regards de mâle excité. Le témoignage est bidon, il n'y a jamais aucun témoignage ni aucun appel téléphonique : les flics patrouillent de plus en plus et embarquent les plus jeunes. Ils connaissent les coins pour y passer après leur service. Je me souviens encore du jeune mec rasé, assez mignon, que j'avais croisé devant la machine à café après ma déposition. Deux jours avant, je le sucais dans sa Clio. J'ai tout de suite reconnu son visage, un peu enfantin, puis j'ai vu l'uniforme. Après coup. Je crois qu'il a été encore plus gêné que moi. Le con s'est dépêché de me payer un café et de me faire sortir.

Il faut que je dorme avant ce soir.


 

Ecrit par Empfindlichkeit, à 14:24 dans la rubrique "Errances".

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Samedi (22/05/04)

Ironie

  Hier soir, au téléphone, Jessica m'a parlé des blogs. Elle m'a dit "il faut absolument que tu le fasses, à défaut d'autre chose..." Et les pointillés y étaient. Alors je vais essayer et abandonner vite fait, comme le reste. Comme le lexo. Comme cette putain de poésie. Comme le psy.

  Jess est comme moi, mais en mieux. Elle ne manque pas de thunes et peut donc choisir. Moi, je ne choisi jamais. Pourtant je ne rêvais pas de ça, c'est sûr. Je voulais être danceuse. Actuellemnt je danse pas. Je me prête. Je déconne à plein tube. Croyez jamais ce qu'on vous dira : aucune fille n'aime faire ça. Aucune fille ne s'y plaît. Toutes ont des plans pour le futur, elles seront "quelqu'un d'autre". Putain combien de fois j'ai entendu ça... Karen, Ana et même Celine ont réussi, avec ce putain de courage et un mec derrière elles. Moi y aura jamais de mec pour me sortir de là. Si j'ai même envie d'essayer.

Ecrit par Empfindlichkeit, à 23:27 dans la rubrique "Errances" - Mise à jour : Lundi 24 Mai 2004, 20:36.

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